Chirurgie bariatrique : Oui quand il le faut mais attention aux carences nutritionnelles !
L’obésité est une maladie chronique aux complications redoutables, touchant des millions de personnes à travers le monde. Face à l’échec des traitements médicaux conventionnels, la chirurgie bariatrique s’est imposée comme une solution efficace pour les cas d’obésité sévère et morbide. Cependant, si cette intervention permet une perte de poids durable et améliore les comorbidités associées, elle expose également à un risque accru de carences nutritionnelles. Ces déficits doivent être anticipés et pris en charge par un suivi rigoureux et une supplémentation adaptée.
Pourquoi la chirurgie bariatrique expose-t-elle à des carences nutritionnelles ?
La chirurgie bariatrique modifie profondément l’anatomie digestive, réduisant ainsi l’absorption des nutriments essentiels. Les techniques utilisées peuvent être restrictives (limitant l’ingestion alimentaire), malabsorptives (réduisant l’absorption des nutriments) ou mixtes. Ces transformations entraînent une diminution des apports en vitamines et minéraux, nécessitant un dépistage précoce et une supplémentation systématique pour éviter des complications parfois sévères.
Quelles sont les carences les plus fréquentes ?
- Le fer : une déficience précoce et persistante
La carence martiale est l’une des plus fréquentes après une chirurgie bariatrique, notamment après une dérivation biliopancréatique. Elle est due à une absorption réduite du fer alimentaire et à une diminution des sécrétions acides gastriques, essentielles à sa biodisponibilité. Une supplémentation quotidienne (45-60 mg/j, voire 100 mg/j chez les femmes enceintes ou réglées) est souvent nécessaire pour prévenir l’anémie ferriprive.
- Vitamine B12 : un déficit sournois
Jusqu’à 80 % des patients opérés développent une carence en vitamine B12 dans les deux années suivant leur intervention. Ce déficit peut provoquer des troubles neurologiques et une anémie macrocytaire. Un apport par voie orale ou intramusculaire est recommandé en fonction de la tolérance et de l’adhésion du patient.
- Acide folique : une attention particulière chez la femme en âge de procréer
Une baisse des folates est observée chez environ 12 à 40 % des patients, particulièrement après un court-circuit gastrique. La supplémentation en folates (400 µg à 1 mg/j) est indispensable, notamment pour les femmes en âge de procréer afin de prévenir les anomalies du tube neural chez le fœtus. - Vitamine D et calcium : des alliés pour la santé osseuse
L’hypovitaminose D est quasi systématique chez les patients obèses et peut persister après l’intervention, augmentant ainsi le risque d’ostéoporose. Une supplémentation en vitamine D (800-1 200 UI/j) et en calcium citrate est souvent nécessaire pour maintenir une bonne santé osseuse et prévenir l’hyperparathyroïdie secondaire. - Vitamine B1 (thiamine) : une urgence médicale en cas de déficit sévère
La carence en thiamine, bien que plus rare, peut entraîner des complications neurologiques graves comme l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke. Un apport précoce et adapté en cas de suspicion de déficit est essentiel pour éviter des séquelles irréversibles. - Cuivre : un élément souvent oublié
Un déficit en cuivre peut survenir, se manifestant par une anémie inexpliquée, une leucopénie et des troubles neurologiques. Une surveillance biologique et une supplémentation ciblée sont recommandées en cas de symptômes évocateurs.
Comment prévenir ces carences ?
La prévention repose sur trois piliers fondamentaux :
- Un suivi nutritionnel régulier avec des bilans biologiques systématiquesavant et après l’intervention.
- Une supplémentation adaptée aux besoins spécifiques de chaque patient, selon le type de chirurgie et son évolution post-opératoire.
- Une éducation thérapeutique pour sensibiliser les patients aux risques nutritionnels et à l’importance d’une adhésion rigoureuse aux recommandations médicales.
En somme
- Si la chirurgie bariatrique est une avancée majeure dans le traitement de l’obésité sévère, elle implique un suivi nutritionnel à vie pour prévenir les carences et leurs complications.
- L’implication du patient, couplée à une prise en charge multidisciplinaire, est essentielle pour garantir le succès à long terme de l’intervention.
Principales sources
– Schijns W et al. Efficacy of oral versus intramuscular vitamin B12 supplementation after Roux-en-Y gastric bypass: A randomized controlled trial. The American Journal of Clinical Nutrition. 201;108(1):6-12.
– Idrissi A et al. Les complications nutritionnelles de la chirurgie métabolique. Journal Marocain d’Endocrinologie et de Diabétologie. 2022;4(16):273-277.